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Visite manquée
25 mars 2011

VISITE MANQUEE La nuit tombait sur la ville et la

VISITE  MANQUEE

 

              La nuit tombait sur la ville et la pluie rendait encore plus difficile la visibilité. Comme à l’ordinaire à cette heure de fin de bureaux, la circulation était pénible. Des travaux farfelus et incompréhensibles ajoutaient aux encombrements. Pierre rouspéta plusieurs fois avant de pouvoir enfin s’engager sur le parking de l’hôpital. Mais il déchanta vite, c’était encore pire ! Des voitures garées n’importe où, d’autres ne respectant en rien le sens des flèches tracées au sol et, d’ailleurs, illisibles pour la plupart, d’autres dont il était impossible de deviner si elles arrivaient ou si elles partaient, sans compter l’énervement des conducteurs.

 

              Pierre regarda l’heure au tableau de bord : 19h30.

              Il ne serait jamais à l’heure pour son dîner de travail ! Mais il avait promis à Marie de passer la voir, il tiendrait sa promesse. Les grands patrons et les clients pourraient bien attendre un peu.

 

              Miracle, il repéra une place libre oubliée par les autres fauves à quatre roues.

              Juste à l’angle d’un bâtiment d’entretien, une sorte de hangar, dans un recoin très sombre loin des lampadaires. Il y avait juste la place de glisser une petite voiture comme la sienne et après quelques exercices de contorsions, il se retrouva les deux pieds sur le sol ferme, à environ 300 mètres du hall d’entrée de l’hôpital. Il parvint aussi à extirper de la banquette arrière le bouquet de roses qu’il avait acheté une heure plus tôt.

 
              Il n’avait que dix minutes à accorder à Marie, mais il savait que cette courte visite lui procurerait un bien fou. Demain, il aurait plus de temps libre.

              La pluie tombait dru, il courut jusqu’à l’entrée, s’engouffra dans le tourniquet dont il avait horreur et se retrouva dans le grand hall d’entrée, un peu ébloui par toutes les lumières.

              La préposée à l’accueil était une jolie blondinette avec un sourire appétissant, ce qui après ces trois quarts d’heure d’embouteillage sinistre parut de bonne augure à Pierre. Il donna le nom de Marie et l’hôtesse sans se départir de son sourire répondit en lui plantant son regard vert émeraude dans les yeux :

 - Premier étage, chambre 67. … Jolies fleurs, apprécia-t-elle avec sincérité en apercevant le bouquet de Pierre.

 

              Il remercia d’un signe de tête, prit l’escalier, grimpa les marches quatre à quatre, trouva rapidement la chambre, frappa à la porte et ouvrit sans attendre de réponse.

              C’était une chambre à un lit, d’un bleu pale et terne. Pierre resta sur le seuil de la porte, le lit était ouvert mais vide. Pas de Marie !

 

              Pierre soupira ! Toute cette peine pour rien. Non seulement il allait être en retard à son dîner mais en plus il ne verrait pas Marie. Il y a des jours comme ça !

              Une aide soignante arriva sur ses talons et le bouscula légèrement. Devant la mine pitoyable de Pierre elle lui sourit :

 - La Dame vient de descendre pour des soins, elle devrait être de retour dans vingt minutes. Vous pouvez l’attendre ici, si vous le souhaitez.

 - Vingt minutes ! … Non, je n’ai pas le temps d’attendre ! Je repasserai demain. Mais je l’appellerai dans la soirée. … C’est vraiment pas de chance ! Dire que j’ai fait tout un détour pour venir la voir ne serait-ce que cinq minutes.

 - Je suis désolée, Monsieur ! Laissez-moi vos fleurs, je vais les mettre dans un vase ! Je lui dirai que vous êtes passé, Monsieur … ?

 - Pierre, dites-lui que Pierre est venu

 - Pierre. Entendu ! … Mais, vous n’êtes pas son mari ?

              Pierre sourit, légèrement amusé :

 - Non, répondit-il, je ne suis pas son mari.

 

              Durant l’échange avec l’aide soignante, la porte de la chambre était restée ouverte ;

              Quand il ressortit, Pierre ne vit pas l’homme qui traînait dans le couloir. Il se dirigea vers la sortie, sans s’apercevoir que l’autre le suivait.

 

 - Quel culot ! pensa l’homme ; venir jusqu’à l’hôpital pour la relancer … avec des fleurs en plus ! Dire qu’elle m’avait assuré que c’était fini entre eux ! … Ca ne se passera pas comme ça ! … C’est la première fois que je te vois mon bonhomme, mais ce sera aussi la dernière !

 

              Il s’engagea à la suite de Pierre dans l’escalier, traversa le hall derrière lui, le suivit sur le parking. Coup de chance, il était garé dans un coin sombre à souhaits. Il l’aborda quand Pierre mit la clef dans la serrure de sa portière :

 - Pardon Monsieur, je ne suis pas d’ici, je dois me rendre boulevard de la République, vous pourriez m’indiquer le chemin, s’il vous plait ?

 - Boulevard de la République ? … Vous êtes à pieds ou en voiture ?

 - En voiture.

 

              Pierre se retint de ronchonner ; encore un casse-pieds !

              Néanmoins, il donna les explications nécessaires en lui précisant le chemin le plus pratique tout en se demandant si l’homme n’était pas sourd. Pourquoi venir aussi près de lui pour entendre un simple itinéraire. Il ne prit pas garde à la main de l’homme qui tenait un long couteau. Le geste fut rapide, la lame s’enfonça profondément dans le ventre de Pierre.

 

              L’homme attendit qu’il s’écroule entre sa voiture et celle garée à côté. Dans l’obscurité le corps était invisible. Il s’étonna de son propre calme. Il avait tellement imaginé la scène qu’il la jouait à la perfection.

              Il retira le couteau avec soins, essuya la lame sur la manche de sa victime, puis le glissa dans la poche de son imper. Il ne vérifia même pas si Pierre était encore en vie, et s’éloigna d’un pas rapide vers sa voiture.

              Il avait largement le temps de disparaître avant que quelqu’un ne découvre le cadavre.

 

 

              20 heures.

              Marie assise dans son lit, feuilletait sans le regarder le même magasine que depuis son entrée le matin même.

              Pierre avait appelé en début de soirée pour dire qu’il passerait vers 19 heures et depuis, elle  attendait en vain.

              Une aide soignante entra pour voir si tout allait bien. La mine soucieuse de Marie était déjà une réponse.

 - Quelque chose ne va pas ? demanda-t-elle.

 - Oui … mais enfin ce n’est pas très grave, répondit Marie avec un triste sourire ; quelqu’un qui m’avait promis de passer et qui n’est pas venu !

 - Ah, si vous saviez ! … Vous n’êtes pas la seule dans cet hôpital ! … Mais il peut encore arriver. On circule très mal ce soir parait-il ; toutes mes collègues de la nuit sont en retard.

 - Il avait un dîner important à 20 heures ; maintenant il ne viendra plus ! Mais bon, il m’appellera sûrement !

 - Sans doute, répondit l’aide soignante avec gentillesse. … Un ami ?

 - Non, mon frère, Pierre !

 

              L’aide soignante lui souhaita une bonne nuit, sortit, passa dans le couloir et referma derrière elle la porte de la chambre 76.

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Commentaires
Visite manquée
  • Pierre un bouquet de fleurs à la main pénètre dans l'hôpital pour rendre visite à Marie.Il écoute à peine l'hôtesse d'accueil lui annonçant le numéro de la chambre. Une distraction qui va changer le cours de sa vie.
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